dimanche 25 décembre 2016

Photos Lipez







































San Pedro de Atacama. Noël



<   Gaëlle   

San Pedro de Atacama, Gaëlle.

Dans 1h30 je verrais le sol sud américain disparaître depuis un étroit hublot.
J'avais prévu pendant mon transit de vous raconter ces derniers jours à San Pedro de Atacama.
Il aurait été question de douche chaude, de pizza dont (après 8 jours de pates et crackers) chaque bouchée avait la saveur de la première, de cette soirée 1000 étoiles en compagnie d'Alain Moreau, un astronome français qui travaille au centre d'observation de San Pedro, de ces surréalistes vallée de la Lune et Gorges du Diable que nous parcourrons à Vélo, de ce jeune couple de français en tour du monde avec qui nous dégustons une glace, mais surtout de nos yeux qui ne cessent de se lever vers le Volcan Llicancabur qui surplombe la ville et nous rappelle comme nous étions bien dans les lagunes qu'il cache désormais.
Mais là j'ai le coeur trop lourd. A nouveau bipède, la sacoche de guidon sous le bras, j'aimerais ne garder que cette impression de ne m'être jamais sentie aussi riche. Je n'y arrive pas. Sûrement trop tôt.
Heureusement que je vais retrouver ma famille et vos bouilles.
En ce jour de Noel je vous souhaite à tous de pouvoir un jour réaliser vos rêves






Gaëlle 

Gaëlle 

Le Sud Lipez...

....par Gaëlle  (  Moi je glande :)

20 Décembre 

Certes nous avons pédalés sur des terrains difficiles jusqu'à maintenant, mais autour de 3600m d'altitude nous évoluions en "plaine".
Devant nous ce premier col qui nous fera basculer vers cette piste des lagunes. D'un salar nous voilà devant notre première montée. Avec 11l d'eau et de la nourriture pour 4 jours le poids du vélo est bien là.
Nous bivouaquerons dans la montée à 3km du sommet.
Encore quelques kilomètres et nous voilà face au désert du Lipez, l'un des plus haut désert du monde.
Sylvain (Tesson oui toujours) j'envie tes talents de poetes et d'écrivains. Tu saurais traduire au travers de tes aphorismes ou autres métaphores dans quel monde nous venions de basculer. Un autre monde. Un bout du monde. Le plus hostile, le plus fascinant, le plus attirant des bouts du monde. Rien d'autre qu'un sentiment d'infini et d'immensités.
Malgré les conditions difficiles qui y règnent, les lagunes font penser à des paradis terrestres. Seuls des volcans millénaires viennent troubler le repos de ce monde minéral. Se mélangent déserts de sel, montagnes ocres et noires touchées par la lumière du soleil, qui parvient jusqu’à ces hauts plateaux, intacte et brûlante. Des espaces vierges parsemés de lagunes aux couleurs dingues : bleu profond, turquoise, émeraude, rouge ou même jaune, chacune a la sienne et qui change en cours de journée. Sur chacune d'elle des flamands roses trainent les pattes dans des eaux glacées.
Des troupeaux de vigognes ont également choisi ce lieu pour y vivre.
Plutot que vous raconter chaque jour voici quelques impressions, moments marquants:
- Aujourd'hui nous sommes à la laguna Colorada. Une longue journée nous attend, nous devons monter 600m de dénivelé pour nous approcher des 5000m d'altitude. Commence une longue ascension. Le terrain est d'abord plutot roulant, bonne accroche et les cuisses commencent à suivre :-) trés vite la piste devient plus raide, sinueuse et pierreuse. A chaque fois que nous pensons arriver le col semble s'éloigner. Dur. Vers 13h, Julien m'annonce que nous venons de passer les 4810m. Nous pédalons au dessus du Toit de l'Europe ! Quelle sensation... il nous faudra encore grimper de 100m pour atteindre le point culminant de notre traversée. Il est 15h, le vent souffle fort et de face. Je dois descendre du vélo car la pente est raide et sableuse. Pour les derniers metres je remonte sur le vélo. Nous pédalons à 4930m !
- Sur le salar d'Uyuni nous avions repéré un camion qui avait passé la nuit devant l'ile. Nous l'avons recroisé dans la montée hier. Ce matin il est arrêté devant un beau point de vue. Nous grignotons quelques biscuits quand nous le voyons devaler la pente, descendre le conducteur qui court vers nous et nous dit "do you want to share a cup of tea or coffee ?". Quel bonheur !! Un couple de retraités allemands. Ils ont rénovés pendant 8 ans cet ancien camion de l'armée, ont tout vendu et parcourent depuis presque 2 ans les routes du monde. Ils s'enthousiasment devant notre volonté et se re'jouissent de voir malgré les difficultés ce sourire qui ne quitte pas mon visage. Un café au lait, un petit gâteau et leur gentillesse, il n'en faudra pas plus pour nous donner le sourire. Ces moments qui semblent anodins sont irremplaçables.
- ces larmes qui montent lorsque nous avons mis plusieurs heures à passer un col ou un passsage difficile et que nous découvrons ces nouveaux espaces aux horizons infinis, comme s'ils nous attendaient, telle une récompense.
Nous sommes aussi pleinement conscients que la liberté dont nous pouvons profiter, nous l'avons conquise, à force de volonté et de courage. Profiter de ces paysages prend toute sa dimension dans l'effort. Cette valeur est nouvelle pour moi.
- Cet après midi le vent souffle tellement fort qu'il nous faut raccourcir notre étape et trouver un abri rapidement. Nous appercevons un refuge plus loin. Il me faudra plus de 30mn pour parcourir 500m. Le vent s'est transformé en mur. Dans le refuge des français en circuit dans le Lipez. Ils nous invitent à nous joindre à eux autour de café et gateaux. Le soir ils nous glisseront discrètement un peu de soupe et des frites. Nous qui nous nourrissons de crackers ou de pates au thon depuis 1 semaine... nous passerons la soirée ensemble.
- Ces 4x4 que l'on croise en train de rouler et qui fenêtre baissée nous crient des bravos, des amazings ou meme nous prennent en photo. Quel encouragement :)
- Cette liberté gagnée de pouvoir regarder ces 15 4x4 (qui arrivent à la même heure prendre le petit déjeuner, regarder un lever de soleil ou se baigner dans ces eaux thermales) repartir une heure après et profiter du lieu seuls.
Nous nous trouvons à la Laguna Verde, au pied du volcan Llicancabur. Ici lorsque le vent se lève la lagune passe instantanément du bleu au vert émeraude. On voudrait rester pour toujours dans cet écrin. Pourtant, apres encore quelques kilomètres de montée (et un vent de face - le maitre du Lipez a sa façon de nous dire adieu) ce petit cabanon où est écrit "migration bolivia" nous ramène à la réalité. Ce lieu n’est autre que la limite sud de la Bolivie, atteinte après 8 jours de piste.
Le volcan Licacanbur du haut de ses presque 6000m d'altitude surplombe le désert d'Atacama plusieurs milliers de metres en contrebas.
40km de descente qui nous ferons passer de 4600 à 2400m d'altitude. Chaque kilomètre nous éloigne de notre parenthèse du bout du monde. Il nous en faudra bien 40 pour doucement digérer et réaliser que nous "retournons sur terre".
Je dédie cette traversée du Lipez à mon "petit" super héros et à mon grand garçon. Ils m'ont accompagnés de façon particulière pendant ces 8 jours.
Arrivée à San pedro de Atacama. Trés touristique mais à la douce atmosphère. On plante la tente et nous retrouvons dans un mini centre hippie :-)
La fin du voyage approche, j'essaye de rester enthousiaste pour tout. Profiter du soleil et de la chaleur du désert, de cette douceur de vivre ambiante dans les rues pleines de charmes de San Pedro, de ces sons hispanophones qui raisonnent partout, des odeurs des empañadas qui envahissent les rues, des constellations dingues qui apparaissent la nuit tombée.
Non ce n'est pas encore l'heure d'un bilan. Lorsque celle-ci arrivera je réaliserai que cette aventure n'est en rien une fin mais plutôt un début.
Joyeux Noël à tous !

12 Décembre, Gaëlle à la plume

Buenas tardes :)
Ce soir nous sommes à San Juan, à 20km de l'entrée de la route des lagunes, j'en profite pour vous raconter ces trois premiers jours (ca n'en fera plus que 7 ou 8 à lire quand on se retrouvera ;-P).
J13 - 09/12
Uyuni est touristique, nous l'avons vite compris en allant dans l'allée principale où on trouve dans ces restaurants de turistas des pizzas à 12 euros, de la musique à tue tête et uniquement des européens autour de bières à 5 euros. Vite fuyons allons manger avec les boliviens :-)
Dernier petit déjeuner sur le marché central de la ville. Comme hier, la dame, dans ses 5m2, nous prépare un oeuf au plat, un sandwich au fromage, 6 beignets xxl au sucre glace, café et thé. Le tout pour 2€50.
Derniers achats et départ à 10h30 d'Uyuni.
500m à peine après avoir quitté l'enceinte de la ville, incroyable, le vent, puissant, nous touche de plein fouet.
Comme si, à peine les roues posées sur son territoire, le maitre du Lipez venait me souffler sauvagement à l'oreille : "Mais où comptes-tu aller comme ça petite aventurière de pacotille? Crois-tu que n'importe qui peut venir rouler le Lipez ? Et oui petite, c'est une chose de regarder des images confortablement installée derrière ton écran, mais maintenant constate comme mon vent est puissant, mon soleil brulant et mon froid saisissant".
De coté, autour de 70km/h, c'est infernal. Des bourasques de sel ou de sable viennent nous fouetter et nous obligent à descendre du vélo pour ne pas chuter. Au bout de 30km, je suis exténuée. Nous cherchons un abri mais le paysage n'est que plaine. Je commence à marcher à coté du vélo pour avoir la force d'avancer. Julien fini par trouver un buisson derrière lequel nous monterons le bivouac.
Dure journée. Je m'endors comme une masse, le bruit du vent (pourtant parti) continuant à m'entêter, le moral en berne.
48km - Bivouac
J14- 10/12
J'ai mal dormi. J'ai eu froid et me réveille avec la nausée. Nous comprendrons que les températures sont descendues en dessous de 0 en retrouvant toutes nos gourdes remplies de glace !
Je réussie à peine à avaler une demi tasse de thé. Il faut repartir.
Fastidieux. Pourtant le paysage est magnifique. Des plaines immenses avec des troupeaux de vigognes que seul le bruit de nos roues derrange (ou peut être aussi quand Julien hurle "regarde" :-P).
Aujourd'hui je ralentis clairement Julien. Je me traine sans force plusieurs centaines de mètres derrière. Peut-être ais-je atteins mes limites ?
Nous décidons de faire une étape plus courte demain pour que je puisse me reposer et attaquer le Lipez en meilleure forme.
Ce soir nous trouvons abri du vent au coeur de dunes et montagnes de roches façe à la plaine. C'est beau. J'essaye d'avaler un peu de semoule. Pas trés concluant encore.
Julien me prete son duvet confort -5, c'est un vrai nuage dans lequel je m'endors.
52km - Bivouac
J15- 11/12
Ce matin nous nous reveillons et réalisons (le vent ne souffle plus du tout de 22h à 13h environ) à quel point ce qui nous entoure est beau.
Julien me demande ce que j'aimerais pour le petit déjeuner. Jus d'orange pressé, baguette fraiche, beurre et confiture de framboise s'il te plait. Ok crakers ça ira trés bien aussi ;)
Le bivouac est demonté, les vélos chargés. Nous reprennons la route. Pas de vent. La température est douce et le soleil vient réchauffer nos visages. La forme et le moral sont revenus. Je me sens libre dans ces paysages sans fin.
6km à peine après être partis nous passons parJulaca, un village décrit comme "mostly abandoned". Effectivement au premier abord ce village est digne des meilleurs westerns, ruelles en sables, portes qui claquent au vent, gare désaffectée, chien errant. Et là... miracle du voyage. Une dame est assise devant un petit cabanon en train d'éplucher quelques carottes. Dans le cabanon, se battent en duel 2 bouteilles de coca, 3 paquets de chips et... des oranges !!
Nous dégusterons donc 2 jus d'oranges pressés dans ce village au milieu de nulle part. J'adore ces clins d'oeil !
Nous reprenons la piste. Nous traversons un salar et les volcans du Lipez commencent à se dessiner en fond d'écran :-)
Arrivée à San Juan. A nouveau un village comme seuls il en existe en Bolivie. Surréaliste.
Demain nous attaquons la route des lagunes. Maitre du Lipez nous avons entendu tes mises en garde et c'est plein d'humilité et de respect que nous tenterons de traverser tes terres.

vendredi 9 décembre 2016

Sud Lipez

Encore et toujours Gaëlle 

Le départ est imminent !
Nous avons bien profité d'Uyuni pendant ces deux jours mais avions surtout besoin de ce temps pour préparer la suite du voyage. Je dois vous avouer que même si j'en rêve depuis longtemps j'ai sincèrement un peu peur...
Le Sud Lipez, le "paradis infernal".
Dans 2 jours nous serons au début de cette "route des lagunes" qu'il nous faudra environ 7 jours pour parcourir.
Une piste longue de 400km, qui oscille entre 4200 et 5000m d'altitude. 50km par jour malgré 8h d'efforts, une piste sur laquelle on rebondit sans rien maitriser (piste de terre, de sable, parfois caillouteuse mais surtout de tôle ondulée interdisant de dépasser les 10km/h sous peine de faire un joli vol plané), des vents dantesques (on ne parle pas d'une petite brise mais d'un mur), glisser sur le sable et se relever, supporter le froid.
En récompense, voici le témoignage d'un cyclo-voyageur qui a fait le tour du monde et à qui on demande ce qu'il a préféré :
"Si tu cherches des paysages à couper le souffle, un territoire quasiment inhabité peuplé de flamands roses, de lamas, d’alpagas et de vigognes, semés de volcans, de déserts de sel et de lagunes paradisiaques alors c’est au Sud-Lipez qu’il faut aller".
Nous consacrons donc ces deux jours à laver les vélos de leur sel, vérifier la mécanique et préparer notre petite expédition sans trop savoir où nous mettrons les roues.
Nous serons totalement isolés et en totale autonomie. Cette route d’exception peut aussi bien osciller entre notre plus beau rêve et notre pire cauchemar…ainsi elle nécessite un minimum de préparation.
Le premier élément non négociable est d’être ACCLIMATÉ à l’altitude car le risque est d’avoir le mal aigu des montagnes. Julien a parcouru le Pérou et ses cols à 4500 pendant un mois, fait un 6000 il y a deux semaines. J'espère que ces premiers jours à 3800 seront suffisants me concernant.
Les PROVISIONS. Il nous faut prendre de quoi boire et manger en quantité suffisante pour approximativement 7 jours.
Nous avons sur nous des pastilles pour l'eau. Le lieu est un désert (répondant à la définition en tant que tel). Nous repérons tous les points d’eau mentionnés sur la carte.
L'EQUIPEMENT contre le froid et le vent. Le vent se lève généralement l’après-midi pour ne plus faiblir jusqu’au soir. La nuit les températures sont toujours négatives. Voyager en décembre nous permettra d'éviter les -15/20 que l'on pourrait avoir pendant notre été. On devrait être autour de 0.
L'ORIENTATION. Les pistes sont bien tracées en ce sens qu’on ne les perd jamais de vue. Toutefois elles partent souvent dans tous les sens puisqu’elles sont creusées par les voitures et toutes ne choisissent pas de suivre les mêmes. Il peut donc y avoir des hésitations sur lesquelles suivre surtout qu’il n’y a bien évidemment aucun panneau pour nous guider. Nous avons une carte que se passent tous les cyclos "cycling south West Bolivia" la bible. Ultra précise, elle décrit la piste, les distances, le profil altimétrique, les points d'eau, les abris pour la tente. Sans elle on est perdu dans un océan de sable, de sel et de montagnes.
Voilà voilà... je vous fais toujours rêver ?? :-P
Sans rire, je suis à la fois impatiente de fouler ces terres et trés inquiète à l'idée de ne peut être pas y arriver.
Les vélos sont chargés...
plus de wifi pendant 10 jours, si du réseau décide d'aller se perdre avec nous dans les lagunes :-) j'essayerais de mettre quelques photos.
La prochaine fois que je vous écris (vraiment) ce sera du Chili ! ;-)
J'espère que tout va bien pour vous tous. Un abrazo muy fuerte !

Bolivie 3

Encore Gaëlle ; )

Merci encore à tous pour vos messages, c'est extra de vous lire quand on est aussi loin...
L'aventure se poursuit !
(Préparez le dessert ou le ptit dej avant d'attaquer :)
J7- 03/12
Nous quittons l'auberge. Après 2 euros le diner... 6 euros la chambre, c'est abusé :-P
Dés la sortie du village, la piste de 15km qui doit nous mener à l'entrée du salar de Coipasa se dessine.
Déja les repères changent. On commence à avoir du mal à distinguer le relief, on perd nos repères habituels. L'entrée du salar est humide on s'"ensel" :-) mais trés vite la surface se durcit et laisse place à un sel dur d'une blancheur éclatante.
Nous devons rejoindre l'ile de Coipasa car nous n'avons pas suffisamment d'eau pour les deux jours à venir. Passage sur l'ile le temps d'un déjeuner sur la place du village et d'une rencontre avec deux enfants. Quelle chance, seul jour où la marchande de fruits est sur l'ile. Mangue en dessert c'est jour de fête ;)
Nous replongeons sur le salar. Il reste 40km pour le traverser. Nous en ferons 10 pour nous retrouver entourés de sel et installer notre bivouac du soir.
Les gestes se répetent. On descend les sacoches. On pose une couverture de survie au sol, puis la tente intérieure que l'on recouvre de la tente extérieure. Malgré la dureté du sel on arrivera à planter les sardines. On gonfle nos matelas, les oreillers et installons nos sacs de couchages.
On sort le matériel de cuisine et en fonction de l'heure nous préparons un thé ou directement le dîner .
Quelle vue ! Rien ni personne. Aucune pollution sonore. L'ambiance est lunaire, le silence est ennivrant.










52km - bivouac sur salar - 3700m
J8- 04/12
Du rêve au cauchemar
5h30.Réveil et lever de soleil sur le salar de Coipasa. J'ouvre la tente. Je suis en train de tomber amoureuse de ce pays, de tout ce que m'apporte ce voyage.
Nous démontons le camp et partons parcourir les 30km de salar qu'il nous reste. Sensation de liberté infinie !
Il nous faut trouver la rampe pour sortir. La manquer c'est prendre le risque de s'embourber sur les bords plus humides du salar.
Nous voilà de retour sur la terre ferme.
Goûter et sieste express de 10mn en vrac sur le bord de la piste.
En plus des topos d'autres cyclo voyageurs, Maps.me est une appli qui nous guide depuis le début. Cet aprés-midi, nous nous trompons de piste et notre erreur va nous coûter cher. La piste est en fait un chemin de sable, où parfois même des dunes se dessinent. Personne n'est passé par là depuis des semaines.
Un vélo de 25kg dans un sable profond. Chaque poussée nous demande un effort éreintant et ne nous fait avancer que d'un mètre . Il reste 6km avant de retrouver la piste suivante. Le piège se referme sur nous. Bientôt 3km de sable derrière et encore autant devant.
Je suis épuisée. Dans une randonnée nous pouvons faire demi-tour; sur un trail nous pouvons abandonner. Ici rien ni personne ne peut venir nous aider ou nous secourir. On peut pleurer, jeter le vélo, s'assoir et attendre. Personne. Il faut avancer ! Pas le choix. Un mètre et puis encore un. Je pense à mes garçons, à la beauté du salar ce matin, aux belles surprises qui nous attendent sûrement après . Nous tenons.
Vila Victoria. 4 âmes qui vivent. Dont une a un 4X4. Épuisés nous craquons et lui demandons de nous aider pour les 20km restants.
49km - Auberge Llica - 3750m



J9- 05/12
Petit déjeuner dans la chambre. Crakers et confiture, banane, thé. Départ en ville pour faire quelques derniers achats (impossible de trouver du pain il faudra s'en passer). Assise sur le bord du trottoir une vieille dame propose des empañadas (beignets de purée de pomme de terre, carottes et lama), à 40ct pièce... deuxième petit déjeuner ! :-)
Nous devons partir, une grosse journée nous attend et surtout à l'horizon, devant le guidon.. un de nos grands rêves qui se profile...
9km de piste et nous voilà à l'entrée. Le Salar d'Uyuni !!! Le plus grand désert de sel au monde (10.000 km2).
C'est l'infini qui s'ouvre devant nous et nous encercle bientôt. Pas un 4x4 croisé pendant toute la traversée. Si j'avais la plume d'un poète je saurais vous écrire ce que nous avons ressenti.
L'ile d'Inca Huasi, où nous devons passer la nuit, se dessine comme un mirage au bout de nos roues. Elle devient réelle. Se rapproche, plus que 10km.
Elle est là, au milieu de cet océan de sel.
Contraste saisissant. Au moins 30 4x4 sont garés devant.
Nous qui n'avons croisé d'autre européen que José en 8 jours, nous nous retrouvons en quelques instants au milieu d'une foule de touristes, carte de l'ile et coca à la main. Choc. On est un peu "perdus".
Il est 17h, dans 1h, tous les 4x4 repartent et leurs occupants avec. Nous aurons l'île pour nous !!!
A 18h, un par un les 4x4 repartent. Nous croisons des Hauts Savoyards (de la Roche!) en tour du monde. Dans 2 jours ils seront à san pedro de Atacama. Avec beaucoup de courage nous y serons dans 12...
Seuls nous faisons le tour de l'île et regardons se coucher le soleil. Quel privilège !
83km - Bivouac ile Incahuasi







J10- 06/12
Le répit aura été de courte durée. A 5h, nous entendons des 4x4 arriver les uns après les autres pour débarquer une horde de gens sur l'île. Ils marchent et parlent à coté de la tente. Tous sont là pour aller voir le lever de soleil. Une centaine de personnes en l'espace de 10mn. Quand nous ouvrons la tente plus personne, ils sont tous en haut.
Depuis hier je suis bousculée. Bousculée dans ma vision du voyage. Chaque jour depuis que je voyage à vélo je réalise à coté de quoi je passe lors d'un voyage "traditionnel". Ici, sur cette île, c'est encore plus frappant. Encore une fois je comprends les moments privilégiés que nous pouvons vivre grâce à ce choix de voyager en vélo. Etre totalement libres et indépendants. Etre en contact direct avec les éléments et les personnes. Aucun filtre, aucune vitre de voiture. Une vision à 360 et un ressenti brut.
Nous rangeons les affaires, démontons la tente, rechargeons en eau. A 8h les touristes ont à nouveau quittés l'île. Je m'offre un café avant de partir et m'asseois autour de cette petite table en bois.
C'est là qu'Alfredo viendra s'asseoir avec moi, bientot rejoins par Aurelia, sa femme.
Alfredo... il faut que je vous en parle pour que vous compreniez cette belle rencontre.
C'est le "maitre du salar". Depuis 20 ans il est le seul habitant permanent de l'ile et donc du salar.
Plus jeune il participait avec son père au convoyage des caravanes. L'unique solution était de traverser le grand désert blanc pour se rendre à Uyuni, la ville de l'autre côté, où l'on pouvait échanger son quinoa, son sel, sa laine de lama etc.
La traversée se faisait à pied en 3 jours. C'est durant ces exténuantes traversées qu'Alfredo tomba amoureux de la solitude qui y règne, avant de s'installer sur Incahuasi au centre du royaume blanc. Sur l'Altipano la terre appartient à celui qui la travaille. Il est ainsi devenu maitre de son île et donc du salar ! Aujourd'hui encore, malgré la construction d'un petit complexe, il semble vouloir résister à l'envahisseur...
Il dépose sur la table les registres signés par les cyclotouristes et voyageurs à pied du monde entier qui sont passés ici depuis 2005. Il relis ému les témoignages et montre à Sylvio, son petit fils, les cartes postales collées : "regarde comme c'est beau le "canal du midi". Lui qui n'a jamais eu la possibilité ni les moyens de dépasser les frontières de son pays. C'est la planète entière qui vient à lui. Quel doux clin d'oeil.
Allez il faut que l'on parte, aujourd'hui nous attend la plus longue étape du voyage. Une 100aine de km !
Du sable nous repassons au sel. Tout doucement l'île disparaît derrière nous. Devant nous 70km de salar. Profitons de chaque coup de pédale car cet apres-midi nous devrons peut-être laisser pour toujours ce lieu mythique. Je regarde à droite, à gauche, derrière mais surtout devant pour profiter de cette sensation d'infini et de liberté.
Pause déjeuner à nouveau seuls au monde. On se construit avec les vélos notre petite cabane pour nous protéger du soleil.
Au moment de partir un 4X4 s'arrête. Nous rencontrons nos premiers touristes boliviens. Une famille avec 5 enfants. Ils nous demandent de faire quelques photos avec eux, c'est avec plaisir que nous posons.
Nous devinons au loin, comme un mirage, l'hotel de sel qui marquera la fin du salar. L'arrivée sous quelques applaudissements renforce cette sensation d'avoir comme accompli un exploit, une "traversée du désert" ;)
Le sel se transforme en terre. A Colchani une vielle dame est assise derrière 3 casseroles. Nous avons faim. Lama et riz pour 4h ! En dessert une mangue achetée 25ct à l'arrière d'un camion.
Les 23 derniers kilomètres seront en asphalte. Nous voilà à Uyuni.
Nous restons 3 nuits ici. Nous avons besoin d'un peu de temps pour préparer la suite, car vendredi nous repartons là où peu de cyclos s'aventurent...le sud Lipez. Je vous en dis plus un peu plus tard (j'hésite encore à y aller :-P)
Julien m'apprend tout pour devenir la parfaite aventurière (certes avec la marque des cuissards cà fait tout de suite moins amazone :-p )
Tout va bien, je garde les yeux et le coeur grands ouverts à chaque instant.