mardi 21 mars 2017

Ushuaia

"Et si finalement c'était ça l'aventure, chercher l'équilibre, funambule de ses rêves, sur le fil des Andes ou de son existence"

Huaraz, Pérou Octobre 2016 - Ushuaia, Argentine Mars 2017


Merci à tous !

lundi 13 mars 2017

Retour sur....

....la Carratera Austral.




Après être rentré bien fatigué de France, j'avais néanmoins les jambes pleines d'impatience.
Un gros morceau du voyage était au programme, puisqu'il s'agissait de parcourir les 800 derniers kilomètres (sur 1247) de cette route mythique du Chili, la Carratera Austral.
Mythique car lancée sous Pinochet pour désenclaver cette partie chilienne de la Patagonie et la relier au reste du pays.
Mythique pour tous les mordus de grands espaces à vélo.

C'est une route encore en grande partie non asphaltée, très reculée et loin de tout. Traversant des forêts pluviales, des marais, quelques montagnes, des cascades innombrables et des cabanes isolées. Charmante et austère à la fois. Monotone parfois mais toujours surprenante.





Il serait trop long de revenir sur tout ça. Mais ca restera un des grands moments du voyage, et il se trouve que j'ai eu la chance de le partager avec Yannis, un luxembourgeois de 32 ans qui finit un tour du monde à vélo de 2 ans et demi. Il va à Ushuaia lui aussi et son vol est 2 jours après le mien, le 26.
Naturellement nos tempos se sont accordés, et sans être collés l'un à l'autre toute la journée, nous prenons les pauses ensemble, partageons les repas et les bivouacs, avec la juste dose d'indépendance et de partage. Et ça colle bien.



En vrac il s'est passé pas mal de choses...

- Une pluie diluvienne et des vents glaciaux nous obligeant à nous arrêter au milieu de la forêt après seulement 32km, éreintés.
- Des bivouacs géniaux après de longues journées de vélo en ayant le luxe de pouvoir faire un feu
- Des rencontres, encore et toujours, des plus classiques aux plus improbables.
- Des horizons à en perdre la raison.
-Des montées et descentes à faire pâlir Space Mountain.
- Des bonbons et cochonneries à foison.
- Une pédale cassée au pire moment ( juste avant le tronçon de 100km qui va à Villa O'Higgins pour ceux qui connaisssent), mais une bonne étoile qui veillait sur moi, encore une fois.
- Une traversée de frontière comme il doit en exister peu sur la planète en traversant des rivières, portant les vélos et prenant des singles de VTT, et en dormant dans le no man's land pour arriver à El Chalten.
- Des rushs pour attraper in extremis un bateau.
- Une arrivée de dingue en Argentine, accueillis par sa Majesté le Fitz Roy.
- Des repos du guerrier dans une tente bien trempée.
- Du porridge, des pâtes et du thé....
- Des instants volés, des visages fatigués, des ventres affamés, des mains congelées, des jambes affûtées, des ripios délabrés, de l'asphalte espérée.
- Tout ça...et tellement plus !




















Depuis nous roulons toujours ensemble, et nous avons quitté El Chalten pour 1200 km de pampa. Imaginez traverser la France de Brest à Nice, avec de longues lignes droites interminables battues par des vents violents, uniquement jonchée de végétation rase, de 3 ou 4 villes et d'une quinzaine de villages. Sous des nuages bas, lassant parfois apercevoir la cordillère des Torres del Paine, et quelques moutons esseulés.
La perspective de rencontrer une seule station service sur les 130 km quotidien est une source de contentement.
Ici, les éléments, et le vent surtout sont incroyables. Et la force qui s'en dégage me laisse pantois.
J'admire les gens qui vivent ici, il faut avoir un sacré temparément j'imagine. Et beaucoup de résilience.

Je suis à Puerto Natales, il reste 650 km pour mettre le point final. Nous aimerions y être sous une petite semaine.

J'ai déjà en tête depuis très longtemps le bel article que je prendrais le temps d'écrire au chaud, un thé à la main en ressassant tout le chemin parcouru. L'épilogue de ces 6 mois d'errance.

En attendant ce moment, il se trouve que demain je vais avoir 30 ans. Quelle incroyable façon pour moi de passer cette barrière symbolique en faisant ce que j'aime, en éprouvant au plus profond de moi cette plénitude de l'instant.

Il y a 10 ans, j'étais à Bruxelles et je partais en cours le coeur léger en écoutant " On n'a pas tous les jours 20 ans" sous un soleil radieux.
Jamais je n'aurais imaginé en être ici aujourd'hui. Je n'ai peut-être pas "réussi" comme je l'aurais aimé ou en tout cas imaginé. Mais je sais, sans me tromper, que je suis en train de vivre les plus belles années de ma vie.

Je me suis permis de réaliser certains rêves, de m'accomplir à travers eux.

J'ai la chance de vivre une vie simple faites de rencontres, de montagnes à gravir et contempler, d'horizons à apprivoiser. Je me sens à ma place, et la vie me semble belle.
Grâĉe à l'effort juste, atteindre ces instants d'oubli de soi et de plus grande présence.
Ces heures de plénitude heureuse et de contemplation magique qui nous relient à ce qui nous entoure.

L'instant se suffit à lui-même dans ce quotidien réduit à l'essentiel. 

S'abreuver au sublime et essayer d'habiter poétiquement le monde, tel serait mon souhait pour les années à venir.

"Voir l'univers dans un grain de sable
Et le ciel dans une fleur sauvage
Tenir l'infini dans la paume de sa main
Et l'éternité dans une heure"

William Blake, Présages d'innocence.