dimanche 8 janvier 2017

Passage en Argentine

Ca fait bien longtemps que je ne me suis pas retrouvé devant le curseur qui clignote sur cette page blanche. Ca fait bizarre même. Alors je vais essayer de reprendre le fil, et d'assurer la suite. Ce n'est pas gagné !



Dimanche 25 Décembre, Aéroport de Calama, Chili.

C'est donc ici, à Calama, grande ville minière perdue au milieu du brûlant désert que nous avons fêté Noël.
Bien loin de l'agitation française et du tumulte associé. C'était Noël sans être Noël. Pas avec nos repères habituels en tout cas. Après de vaines recherches à travers la ville, force est de constater que nous ne trouverons pas ce petit restaurant un peu amélioré pour marquer le coup. Il faut dire que nous devons être les deux seuls touristes dans la ville.

Des cerises, des empanadas et un gâteau à l'ananas sur le lit de l'hôtel feront l'affaire.

Il est 13h15, les verrières de l'aéroport s'effacent dans mon dos. Pas un souffle d'air pour alléger l'atmosphère, lourde à plus d'un titre. Je n'ai jamais vraiment aimé les dimanches. Aujourd'hui ne fait pas exception.

Les adieux ont été brefs. Je marche seul sur cette route de zone industrielle et mes yeux sont embués. Il y a toujours un début et une fin, et même lorsqu'on l'a connaît en avance ça fait toujours un peu de peine de tourner la dernière page.
Gaëlle attend son vol retour tandis que je vais continuer tout seul ce que j'avais commencé.




Tentatives de stop sur l'échangeur raté, ameutement de chiens, ambiance fantôme dans la ville....tout y est !

J'arrive par chance à choper un bus pour retourner sur San Pedro et y passer une dernière nuit. Chaque petite rue me rappelle un souvenir alors je fais vite et pars me coucher.

Le lendemain, pour m'éviter de remonter les 2200M de denivelé positif jusqu'à la bifurcation pour le paso Jama, je tente le stop à vélo, le bicistop comme diraient Alix et Anthony. Et ça marche bien. Je me retrouve rapidement en compagnie d'un joyeux chilien avec qui nous conversons, ça fait du bien.
Il me déposera un peu après l'endroit quitté en sortant du Sud Lipez.

Les jours qui suivront seront encore une fois de toute beauté au niveau des paysage. Le passage de la frontière avec l'Argentine se fait sans dificultés et je trouve des coins de bivouacs très hétéroclites. A côté d'un hôtel avec wc et wifi, sur les poussières dans un bâtiment abandonné...
Je roule beaucoup et fais de longues étapes de plus de 100km. En effet, ce n'est pas tellement la journée que je ressens le plus la solitude, mais dans les moments "calmes". Au bivouac, lors des repas, des pauses photos....







Alors je roule pour me vider un peu la tête mais la pellicule de ce mois passé ne fait que défiler en mode automatique.

Pour résumer c'était chouette, vraiment. C'est toujours dur de savoir si les choses vont se passer comme prévues et si ça va coller. Mais sans trop m'avancer, je crois que c'était pas trop mal !

J'aimerais ici tirer un grand coup de chapeau et adresser toute mon admiration pour ce qu'a accompli Gaëlle. Le défi n'était pas simple, et de taille. S'acclimater en deux jours, éviter les soucis gastriques et de mal des montagnes, se mettre directement dans l'effort physique sans transition, et affronter les pistes.

Croyez-moi, ce n'est pas facile. Mais quand en plus on met un point d'honneur à l'accomplir avec brio en gardant un sourire accroché aux lèvres en permanence, sans jamais se plaindre, et en gérant avec la plus grande maîtrise toutes les situations,  même les plus imprévues et les moins souhaitées, alors ça ne peut qu'attirer le respect. Le mien en premier lieu car j'en ai été le spectateur privilégié. Et même si l'on s'efforce de raconter au mieux ce que l'on vit via le blog, ça ne relatera jamais la réalité du terrain.

Sa difficulté, ses moments de doutes et de faiblesses, de joie et d'émerveillement, et de toute la palette des émotions par laquelle nous passons.
La différence qui existe lorsqu'on a eu la chance de les vivre au même moment, c'est que ces souvenirs peuvent se passer de mots puisqu'ils sont ancrés dans une mémoire commune que nous partageons. Et je dois dire que ce n'était pas désagréable ;)

Donc voilà, même si tu le sais déjà, merci Gaëlle de m'avoir supporté et accompagné en Bolivie, c'était vraiment cool d'en avoir bavé ensemble ( même si tu as pris un peu trop de photos de vigognes à mon goût ahah  ).





Les kilomètres défilent bien, je reprends petit à petit mon rythme solitaire et le moral revient.

Partir longtemps dans ce genre d'aventure est une magnifique manière d'apprendre à se connaître. C'est un peu comme un ultra-trail. Une introspection très poussée.

Il ne faut jamais trop se griser dans les moments d'euphorie, et être conscient que les mauvais moments ne dureront pas éternellement. On ne sait juste pas la durée de chaque étape.
Rien n'est constant, sauf le changement.
Evoluer dans le creux et le haut des vagues, comme la métaphore des montées et descentes qu'offre la route. Une répétition incessante qui forge le moral et la détermination je crois. Et qui une fois de retour à une vie plus sédentaire apporte des nouvelles aptitudes.

Le vent lui ne m'a pas quitté et tous les jours nous menons un combat inégal auquel je suis contraint de participer contre ma volonté. J'accepte les règles dictées par le maître des lieux.

Dans un col, fatigué de lutter, et après déjà presque 90 km je cherche un endroit à l'abri du vent pour planter la tente. Il y a une heure, au milieu des éclairs et de l'orage j'ai dûˆm'abriter à l'improviste et tenter du stop mais en vain. Mais impossible de trouver un endroit. Trop de pente, trop de cailloux....alors je continue. Encore un kilomètre. Puis un autre.

Soudain mon sauveur arrive. Un camion lourdement chargé de voitures pointe à l'horizon. Je mets mes dernières énergies pour augmenter ma vitesse et ainsi pouvoir l'attraper sans que ce soit trop brutal. La prise est bonne et il commence à me tracter. Ouf. Mais arrivé à 3800m le brouillard nous envahit ainsi que le froid. Je suis toujours en tshirt et en short et mon bras commence vraiment à être totalement engourdi et sans sensibilité. Mes doigts sont comme ancrés dans la carcasse, je n'ai aucune idée d'où se trouve le sommet mais me refuse à lâcher. Au moins avec ce brouillard on ne voit pas les précipices et le chauffeur ne me voit pas non plus !

Puis la route s'aplanit et le camion file. Vite, vite il faut que je m'habille car je suis en train de refroidir dangeureusement. Les mains sont ma priorité et je m'empresse de chercher mes gants de ski. Une sacoche, deux sacoches....rien putain c'est pas possible.
Je dois me faire une raison. Il y a quelques jours a San Pedro on nous a volé des affaires au camping. Les gants en faisaient partie mais je ne l'avais pas remarqué. Je n'ai plus la petite paire que j'ai perdu je ne sais où  dans les lagunes.

Il est 19h, à 4200m, je suis frigorifié et sans gants. Pas le choix, il faut à tout prix que je descende le plus vite possible. La descente sera épique, je ne sens plus mes mains, il m'est difficile de freiner, les voitures me voient au dernier moment. Je rattrape les camions qui ménagent leurs freins.

Il me faudra descendre 1000m de dénivelé pour passer sous la nappe de brouillard et m'arrêter comme un gitan au bord de la route. Je monte la tente au premier endroit que je trouve. L'essentiel est de se réchauffer alors je me fais un thé. Salvateur, comme toujours.

Plus tard, des bruits suspects, des voix et des chutes de pierre me mettent en alerte. J'ai l'impression que l'on rôde autour de la tente. Je sors plusieurs fois la tête de la tente, alors que l'orage fait rage. Pourtant personne ne semble me vouloir de problème. 30 minutes plus tard, rebelote... Cette fois ça m'empêche vraiment de dormir. Je lutterais à veiller mais finirais par sombrer quelques heures.
Réveil sous la pluie, tente ravagée par la coulée de sable, affaires trempées, humidité partout.
Le genre de matins qui me rend fou et me donne juste envie de balancer mon vélo dans le ravin. Mais le soleil pointe son nez, j'essaye de me raisonner et je me dis que ça va aller, ça va aller...

Je range tout mon bordel et file vers Pumamarca....

Suite au prochain épisode.

























6 commentaires:

  1. Je comprends que ce ne soit pas facile de reprendre la plume après moi :-P

    Trêve de plaisanteries, merci pour ton post et tes beaux compliments. Toi aussi tu le sais déjà, mais merci de m’avoir fait une place pour vivre cette aventure extraordinaire à tes cotés. Sans toi ce voyage n’aurait pas été possible. Oui c’était dur, parfois très éprouvant, mais il était hors de question que le sourire quitte mon visage. L’effort donnait au contraire une nouvelle dimension à mon voyage. Ce que j'ai découvert grâce au voyage à vélo et dans un pays comme la Bolivie, dépasse ce que j'aurais pu imaginer. A chaque instant, aussi intense soit-il, je réalisais la chance que j’avais d’être là, de pédaler dans des endroits aussi beaux et intemporels, de vivre des émotions aussi fortes, de rencontrer des personnes aussi sincères et authentiques, de ressentir cette liberté comme jamais je ne l’avais ressentie.

    Nous en avons beaucoup discuté lorsque nous étions ensemble. L’aventurier d’ordinaire solitaire ;). Tu sais à quel point de mon coté je suis convaincue qu’une aventure ne peut être pleinement vécue si elle n’est partagée. Nous avons partagé ce merveilleux voyage, je suis fière et heureuse que c’est été avec toi, ce sera pour toujours notre trésor intérieur. Mais j’espère sincèrement et de tout cœur que tu vas retrouver le gout et l’envie d’avancer en solitaire. L’aventure qui t’attend au bout du guidon est merveilleuse ! Continues à savourer chaque instant comme une chance. Et puis je suis encore un peu là, avec pour toi en moins le besoin de te retourner toutes les 10mn pour voir si je ne suis pas en train d’abandonner le vtt dans le ravin et faire du stop pour le prochain 4X4 lol.

    MERCI ! on est tous derrière toi, file reprendre la route (c’est tout droit ! ;)

    RépondreSupprimer
  2. Tiens... tu parlais de vigognes... elles au moins elles étaient là pour m'écouter ! Hihi

    Https://youtu.be/DlYbpIAKKLU

    (Juste pour rire, petite séquence craquage après 8 jours dans le désert du Lipez... la montée de trop !) ;))

    RépondreSupprimer
  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  4. Le vent t'a joué des tours et t'a fait entendre des voix bro ! Bon, en tout cas c'est certes beaucoup moins fun depuis le départ de Gaëlle, mais de toute manière tu n'as pas le choix désormais. La route est encore longue, grave les souvenirs dans ta mémoire, seul malheureusement, mais ce sera toujours mieux que rien. Continue de poster des photos, et d'écrire régulièrement des articles, tu en perds un peu l'habitude ;-)

    RépondreSupprimer
  5. Salut Julien,

    belle philosophie que la tienne après ton retour à la solitude... Je suis persuadé qu'elle te mènera au bout... de ce voyage... et bien plus loin encore! Garde le coup de pédales valeureux et le coeur heureux. On t'accompagne.
    A plus

    Bernard

    RépondreSupprimer
  6. Gaëlle, au fait, merci de tes voeux; à mon tour de te souhaiter que 2017 se déroule d'aussi belle manière que 2016 s'est achevée!

    Bernard

    RépondreSupprimer