lundi 31 octobre 2016

Papaye, montagnes russes et routiers sympas.

Ayacucho disparaît progressivement dans le rétroviseur. Il est encore bien tôt et pourtant au loin l'activité de cette ville a déjà repris son rythme séculaire. Chacun s'affaire à sa tâche.

Ayacucho, terrasse de l'auberge.


Les laveurs de voitures brandissent leurs tuyaux d'arrosage à chaque conducteur de taxi, les "mamas" préparent les petits-déjeuners sur un bord de trottoir que les écoliers s'empressent d'engloutir sur le chemin, les bouchers exhibent fièrement les têtes de cochon dans la rue, les marchands de journaux accrochent les nouvelles du jour aux fenêtres abandonnées, ces vieilles dames posées à même le sol espèrent vendre leurs trois ananas et cinq oranges, au marché c'est l'ébullition des sons et des couleurs, les klaxons des mototaxis résonnent toujours sur les façades délabrées.

La vie quotidienne en somme.

Il est 7h15, je suis assis sur un muret et je contemple ces petites maisons faites de bric et de broc, de briques en terre séchée et de taule qui s'acrochent courageusement à la colline. Selon nos normes occidentales, nous les qualifierions de taudis insalubres. Et ça ne choquerait pas car objectivement c'est le cas.

La sécurité est inexistante, les fils électriques sont bricolés comme il se peut, l'eau courante n'est pas toujours présente, l'isolation rudimentaire. 15m2 peut-être, pour les plus grandes. Les facades repeintes aux couleurs des dernières élections.

Et pourtant la vie bouillonne et existe, en permanence.
Et ça me fascine toujours autant.

C'est dans ces pensées que je termine mon sandwich à l'avocat, réveillé par le "hé gringo" claquant de ce jeune péruvien.

Il est donc temps de mettre la machine en route, et très vite nous ne sommes que quatre. Moi, la route, le soleil de plomb et les cactus. Paysages surprenants à ces altitudes. Chez nous, on est sur l'arète de la Pointe Percée.

La journée est une longue montée par paliers. Quel pléonasme quand j'y pense. A t-on déjà vu une courte montée dans les Andes ? Il serait temps que je me résigne à reconsidérer de manière définitive mon échelle des représentations.

Les petits villages qui jalonnent ma progression sont autant d'oasis salvateurs où il est bon de s'arrêter pour faire une pause, discuter 5 minutes à l'ombre sur un banc en sifflant une "gaseosa" (soda) bon marché.

Le sucre ? La cocaïne liquide du cycliste junkie. Le début du labeur du pancréas endormi.

Après 75 km, le col est visible mais encore loin. Je plante la tente à 3700m au milieu des champs. Le ruisseau me berce et je sombre comme un bienheureux.



Le lendemain, la perspective du col qui s'annonce (ou bien serait-ce la nécessité de me réchauffer ?) me jette sur le vélo sans tarder.

J'ai toujours aimé les premières heures du jour.
Celles pleines de promesses bercées par les lumières douces et fragiles.
Se lever aux aurores a décidement bien des privilèges.

La vie est calme, le monde peut s'écrouler puisque les condors poursuivent leurs vols.

Au col, des étranges ruines, vestiges d'anciennes habitations commencées m'offrent un banc insolite.


La suite de la journée sera une énorme descente où, comme à chaque fois, je ne réponds plus de rien. Etre sur un vélo durant 40km, le museau à l'air comme les suricates, sans donner un coup de pédale, est pour moi une jouissance salvatrice.

Je trouverais une grange pour passer la nuit, et le propriétaire me gavera de papaye et me payera le restaurant et un coup d'alcool de cane pure.
J'ai décidemment plus d'affinités avec le poulet qu'avec l'homonyme de la femme de son copain de basse-cour.



L'alcool était-il frelaté ? Je ne pense pas. En tout cas mon estomac qui n'était déjà pas au mieux depuis quelques jours est encore pire au réveil. Je me sens neurasthénique, je n'avance pas. L'enchaînement des cols qui s'annonce finit de baisser le pavillon de mon moral. Les coups de trompette s'échappant des boutiques n"y feront rien. Je traîne ma carcasse comme un boulet. Je n'ai plus trop le goût pour manger. Aucune force. Je finirais la montée du col dans la cabine d'un camion, le vélo en vrac derrière sur le chargement :)
Petit moment unique à échanger avec le routier, bien sympa, qui a vécu 15 ans en Italie. On discute de nourriture (bluuurp, je suis malade j'ai dit...), et du trafic de cocaïne et d'or qui fait rage dans la région.


Petite intoxication alimentaire ? Sûrement....en tout cas je traînerais ça pendant 3jours. "Heureusement" un jour de temps pourri avec pluie, brouillard et col bouché à 4000m se présente. Après 2h d'attente de stop infructueuse, je me décide à sauter dans un petit bus pour rejoindre l'autre vallée, échapper au ciel menaçant et me refaire la cerise ( disons la mangue, pour faire local).


(Ce satané téléphone qui veut pas s'arrêter avec la pluie sur l'écran)

Je me suis résolu à aller à la pharmacie à Andahuayllas. Traitement de 3 jours contre la diarrhée et le bide. On verra bien !

Et ça a marché, yes ! Le lendemain, je me sens revivre, et mes forces rejaillissent en moi tel une rivière dont on aurait ouvert les vannes du barrage. Je ne le dis pas trop fort, mais ça semble aller vers le mieux.




Le juge de paix sera le col du jour.
Verdict en images :

Ouais bon...."A la rescousse"..."à mes trousses"...c'est presque pareil ;)





L'énergie revenue a sans doute été mal dosée, et je profite donc du trop-plein perçu pour m'exercer à quelques figures de style amusantes dans la descente !


(Je vais essayer de la pivoter dans le bon sens)

Je file sur Carahuasi, capitale mondiale de l'anis. Je dégotte une chambre pas mal pour le prix (environ 5 euros). Dîner dans un petit boui-boui, dodo de bonne heure demain dernier col avant Cusco.

Je m'essaye à une nouvelle technique, que je valide avec joie.


J'arrive à Anta où je trouve un hostal vraiment miteux.
C'est fou comme c'est dégeulasse :) Il doit tenir le haut du tableau jusqu'à présent.
Je sors mon sac de couchage -10°C pour dormir à l'intérieur.
Plutôt avoir chaud que d'attraper un psoriasis couplé à un lupus érythémateux. Oui oui, c'est le genre de joyeusetés que je crains d'attraper en regardant l'état des draps et du dessus de lit !
C'est sans  compter qu'on pourrait refaire les X-games d'hiver avec le matelas, puisque celui ci complètement déglingué et affaisé en son centre, ferait un half-pipe presque parfait.

Nooon, je ne veux pas mourir comme Claude François !


Il est donc 10h, on est lundi et je me trouve à une poignée de kilomètres de Cusco où je vais passer quelques jours. La capitale des Incas est mondialement connue, et je vais revoir des touristes, ça fait très longtemps.
Bien que je ne sois pas plus emballé que ça par ces civilisations ancestrales, je vais voir ce que je trouve à faire sur place.

Le Machu Pichu me direz-vous ! Hummm....pas sûr. Suite au prochain épisode.
Déjà trouver une laverie, je sens le fennec en décomposition. Et préparer la Bolivie.

Sinon, J'ADORE toujours autant lire vos petits messages d'encouragements, pensées, anecdotes, conneries en commentaires. Même si ça paraît être complètement anodin pour vous, moi je kiffe grave. Peu importe ce qui vous passe par la tête, ne soyez pas timides, même si c'est pour me raconter votre week-end :)

A plus,
Peace, love and lomo saltado.

Ju




16 commentaires:

  1. Bah nous aussi trop contents de te lire et surtout t entendre.Sauf que...sois prudent julien...j ai fait un peu la meme chose[ok pas au Pérou ] de velo à velo et me suis retrouvée par terre. Don. Fais gaffe............paroles de vieille tante !!!!!!!!et les hemoroides ? Et l intoxication alimentaire : tout est revenu normal ? Bon ben je vais fluorer sur ma carte les villes, les villages que tu traverses. Et ça, c est beaucoup moins fatiguant que pédaler ! A très bientôt sur le net. Marie o

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  2. Salut julien
    Joli blog...
    Bravo pour le trajet déjà parcouru et bon courage pour la suite...
    J ai reussi mon marseille -cassis en 2h00 sous un magnifique soleil ... chacun ses défis, du moment qu ils nous font avancer :)
    Profite bien et courage pour la suite
    Bises
    Celine du Bourget

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  3. Salut julien
    Joli blog...
    Bravo pour le trajet déjà parcouru et bon courage pour la suite...
    J ai reussi mon marseille -cassis en 2h00 sous un magnifique soleil ... chacun ses défis, du moment qu ils nous font avancer :)
    Profite bien et courage pour la suite
    Bises
    Celine du Bourget

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  4. Salut Julien,

    Content de voir que la roue a enfin tourné et que tous tes tracas sont restés sur le bord de la route !

    Tu as retrouvé ton entrain et tu coup tu nous gratifie d'un super post plein de pêche, de joie et d'humour. Perso j'ai adoré la contre-plongée sur tes narines à la fin de ta première vidéo, c'est un parti-pris original de réalisateur alors que tu pourrais tomber dans la banalité en nous montrant des paysages, certes de beaux paysages, mais des paysages, alors que tes narines en contre plongée c'est du jamais vu !
    J'ai adoré la descente d'enfer mais ta tante a raison, fais gaffe quand même et mets ton casque, ce serait trop con...
    Trop cool aussi ta leçon de choses "comment" chopper un camion à la montée" avec le petit écart au dernier moment.

    Bref que du plaisir !

    Pour moi hier c'était déménagement, 60 m3 en garde meubles dans le garage de ma belle mère en attendant de trouver quelque chose.
    Au réveil ce matin la maison est vide, il reste un matelas, ma douce et mon Mac et je me dis que ce serait le bon moment pour prendre le large, faire une belle paranthèse !

    Allez, prends soin de toi !

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  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  6. Tiens, à propos de parenthèse, j'avais noté cette phrase de Sylvain Tesson (S'abandonner à Vivre, Insomnie) :

    "ces pauvres pénitents, ils n'ont jamais honoré la dette avec l'enfant qu'ils furent parce qu'il leur faut rembourser les crédits de l'adulte qu'ils sont devenus. Ils ont enterré leurs rêves sous le béton des projets. Et à présent ? ils attendent le dimanche pour s'évader deux heures, fouler le bitume, ils s'épuisent pour tenir en respect l'envie de s'aborder le vaisseau et ils tentent de brûler les graisses autour de leurs abdominaux disparus dans les mangroves de la vie de bureau "

    Allez, cette fois bonne journée à toi !

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  7. Gros bisous de Mamie qui regarde toujours avec émotion tes vidéos.

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  8. Et alors ce camion ?? T'es resté à quai au final, il voulait pas te laisser passer le bougre ! Je vois déjà Maman en train de baliser en regardant la vidéo ah ah. Excellente la photo avec le chien. En tout cas c'est cool, la roue a l'air d'avoir tourné et le moral semble revenu. Profite bien de ta pause à Cusco !

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  9. 1 mois deja... Et toujours pas de carte ;-)

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  10. Et dis donc: tu ne te sens pas un peu seul pour parler avec les toutous qui passent? Fais attention, dans pas longtemps tu vas nous dire qu'ils te répondent... et que tu comprends ce qu'ils disent!
    On est là nous, on pense à toi, on pédale avec toi... Euh on pense surtout à toi en fait!
    C'est cool de te sentir en forme et en joie! C'est bon aussi pour nous!

    Bonne route
    A bientôt
    Bernard

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  11. Salut Julien,
    Je viens régulièrement jeter un coup d'œil ici pour voir où tu te trouves, voyager à travers tes mots, voir comment tu vas, et voir défiler les kilomètres chaque jour un peu plus. J'aime toujours autant te lire et suis encore et toujours fascinée par ta force de caractère et ta volonté ; se mesurer aux Andes ce n’est pas donné à tout le monde.
    J’espère que tu t’accordes qu’en même quelques pauses bien méritées pour recharger tes batteries, l’Amérique latine est vaste et indomptée et l’on peut se sentir bien peu de choses parfois. Généralement l’ouverture et l’esprit d’entraide des gens sur place est aussi précieuses dans ces moment-là. J’ai d’ailleurs cru comprendre que tout n’a pas été rose dernièrement, mais je suis certaine que les choses vont se mettre en place, c’est une question de rythme.
    Et si tu peux aller au Machu Pichu vas-y ! Non seulement ça doit être magnifique, mais tu y rencontreras du monde. J’ai toujours rêvé d’y aller et en attendant de pouvoir le faire ce serait top d’en voir quelques photos ici (c’est un peu égoïste, mais bon…) 
    Prend soin de toi et bonne route !
    Bisous
    Shauna

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  12. Salut juju.
    Ca c'est de l'engagement et par rapport à la pointe percée, t'es seul...et apparament de la solitude comme jamais tu as connu..
    Pour le moral, tu as pu goûter les anticoutcho ? À mes souvenirs des brochettes de coeur de bœuf grillées au bbq. Miam.. Devant tant d'engagement , je tire mon chapeau, Take cake my friend,
    Vince

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  13. Salut Julien
    Nous te suivons avec beaucoup de plaisir depuis ton départ. Quel voyage!!!! Chapeau faut le faire!!!!Sympa les vidéos, t entendre c'est chouette....mais une semaine sans nouvelles c'est long ,nous sommes bloqués à Cusco sur notre carte....
    Bises
    Nicole et Jean Louis

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  14. Ola !! J'espère que tout va bien et que tu profites de cette belle aventure. Bises

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  15. Salut Julien !
    Hâte d'avoir de tes nouvelles à nouveau !
    Du côté de chez nous, we tranquillou sur Paulx, balade automnale aujourd'hui avec Lipton .. les couleurs sont justes magnifiques en cette saison ... puis lancers de boomerang avec Lolo et Lou-Alban ... eh oui ils sont devenus des pros de la discipline ! tu viendras voir ça ! p'tit coucou chez Mamie ce matin qui pense bien à toi. Hier, Antoine et ta Maman sont venus faire un petit tour sur Paulx ... j'ai pu montrer tes dernières vidéos à une Mamie impatiente et heureuse de voir que son p'tit gars, Julien II ;-), se porte bien !
    Voili voilou ... de gros bisous et prends soin de toi !

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  16. Merci pour le lama !!!
    Deja en Bolivie?
    Bises

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